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IA : Comment Bürokratt facilitera-t-il la vie des entrepreneurs en Estonie ? Entretien avec Ott Velsberg

L’essor récent de l’utilisation de l’intelligence artificielle par le grand public est l’un des résultats des efforts à long terme de diverses initiatives, tant privées que publiques, visant à créer un outil capable de simplifier la vie des entrepreneurs, des employés, des clients et des citoyens en général.
Pionnière en matière de numérisation, l’Estonie ne pouvait pas passer à côté de l’essor de l’IA et développe depuis plusieurs années des outils visant à améliorer les échanges entre l’État et ses citoyens.

Ott Velsberg, Chief Data Officer au ministère des Affaires économiques et des Communications de la République d’Estonie, a été chargé de cette mission.
Expert en science des données, son rôle consiste à superviser la coordination stratégique et la planification de l’écosystème des données au sein du gouvernement, ainsi que divers projets liés à l’intelligence artificielle, à la gouvernance des données et plus particulièrement à la gestion des données centrée sur le citoyen, aux technologies améliorant la protection de la vie privée et aux données ouvertes.
Il dirige également la mise en œuvre de la stratégie gouvernementale en matière d’intelligence artificielle et participe activement au développement de Bürokratt, l’assistant virtuel de l’État estonien.

Le terme Kratt provient de la mythologie estonienne, où il désignait une créature magique née d’un pacte avec le diable et exécutant tous les ordres de son maître.
Cependant, si cette créature n’avait pas de tâche à accomplir, elle devenait dangereuse pour son propriétaire. Aujourd’hui, elle est devenue une métaphore de l’intelligence artificielle, un serviteur dont il faut se méfier.
Le jeu de mots avec « bureaucrate » s’est donc imposé naturellement.À première vue, Bürokratt ressemble à un chatbot (robot conversationnel) similaire à ceux présents sur de nombreux sites web, aidant à la navigation et répondant aux questions des utilisateurs.
L’objectif de Bürokratt est d’épargner aux citoyens des procédures administratives fastidieuses, comme la demande de permis ou le renouvellement de papiers d’identité, grâce à une plateforme intuitive et accessible à tous.

Mais alors, en quoi Bürokratt est-il comparable à ChatGPT, l’intelligence artificielle dont tout le monde parle actuellement ?
Le champ de compétences de Bürokratt, tel qu’il a été développé par l’équipe de M. Velsberg, est limité aux services publics qui choisissent de l’adopter.
Autrement dit, Bürokratt ne répondra pas aux questions en s’appuyant sur des recherches Internet, comme le fait ChatGPT, mais utilisera plutôt les ressources mises à disposition par les services qui l’emploient.
Il aura également la capacité de remplir des documents administratifs en fonction des informations obtenues lors de sa conversation avec le citoyen, dans les limites définies par les administrations concernées.
Bürokratt ne génère pas de contenu à la demande, mais exploite les informations fournies par l’utilisateur pour accélérer le traitement des tâches répétitives (remplissage de formulaires, transmission de dossiers, etc.).

Pour en savoir plus sur les fonctionnalités et les avantages de Bürokratt, notamment pour les entreprises, nous avons interrogé Ott Velsberg, qui a accepté de répondre à nos questions.

Quels sont les domaines d’application actuels de Bürokratt et comment pourraient-ils évoluer à l’avenir ?

Aujourd’hui, Bürokratt est devenu un chatbot populaire, utilisé par de nombreuses agences gouvernementales, telles que le Bureau statistique d’Estonie, la police, les gardes-frontières et la municipalité de Viimsi.
Son rôle principal est actuellement de décharger les utilisateurs des contraintes administratives et de répondre aux questions fréquemment posées.
Toutefois, la demande pour l’élargissement de ses services est en forte croissance.

L’avenir de Bürokratt est prometteur : il a vocation à devenir un guichet unique permettant aux citoyens d’interagir avec l’administration et d’obtenir toutes les informations dont ils ont besoin.
L’optimisation de la communication entre l’État et les citoyens, ainsi que l’accès facilité aux informations, font de Bürokratt un outil essentiel pour l’avenir des services publics.

Nous travaillons actuellement sur plusieurs améliorations, notamment : L’interaction vocale, L’ajout de plusieurs langues, Un traducteur automatique, Un outil de reconnaissance de la langue des signes

Concrètement, si quelqu’un décide aujourd’hui de créer une entreprise en Estonie, comment Bürokratt peut-il l’aider 

Alors que plusieurs agences gouvernementales utilisent déjà Bürokratt, le Centre des registres nationaux et des systèmes d’information (RIK) est en train d’intégrer cet assistant dans ses opérations.
RIK est chargé du développement et de la maintenance du portail e-Financials, l’un des principaux services aux entreprises en Estonie.

Une fois que Bürokratt sera pleinement adopté par le RIK, il facilitera considérablement les démarches administratives liées à la création d’entreprise et aidera les entrepreneurs à fournir les documents nécessaires aux audits financiers annuels.

En plus de son intégration au sein du RIK, Bürokratt pourra également : Notifier les entreprises des subventions auxquelles elles peuvent prétendr, Informer sur les nouvelles opportunités de marché, Aider à la gestion des procédures fiscales

L’ensemble de ces fonctionnalités permettra une simplification et une optimisation des processus administratifs, rendant les services publics plus accessibles et pratiques pour les entrepreneurs.

Avez-vous identifié d’autres besoins chez les entrepreneurs en Estonie que le gouvernement pourrait combler grâce à l’IA ?

Le potentiel de Bürokratt dans les services liés aux entreprises est immense.
L’IA pourrait fournir aux sociétés des recommandations sur les écarts salariaux, les opportunités commerciales et les nouveaux marchés.

Par exemple, Bürokratt pourrait faciliter la création d’entreprise en proposant des ressources et des conseils, tout en simplifiant les démarches fiscales pour mieux comprendre la législation en vigueur.
Globalement, son adoption dans le monde des affaires pourrait considérablement améliorer l’efficacité et la productivité des entreprises.
Avec les avancées technologiques, nous nous attendons à voir des outils de plus en plus sophistiqués offrir un éventail encore plus large de services aux entreprises de toutes tailles.

Estonie n’est pas le seul pays à développer ce type de projet. Collaborez-vous avec d’autres pays pour le développement de Bürokratt ?

La collaboration internationale et le partage des connaissances sont essentiels à l’innovation dans les services publics, notamment en ce qui concerne les assistants virtuels.
Nous échangeons régulièrement avec plusieurs pays pour partager nos méthodes et envisager des opportunités de transfert technologique, en vue de créer un réseau interopérable d’assistants virtuels.
Nous avons, par exemple, échangé avec la Finlande sur leur assistant virtuel AuroraAI, et nous avons également entamé des discussions avec la Belgique sur l’adoption de Bürokratt.
L’objectif est d’explorer la possibilité de fournir des services publics transfrontaliers, rendant ceux-ci plus pratiques et accessibles aux citoyens.

Des entreprises ou des gouvernements vous ont-ils approchés pour développer “leur version” de Bürokratt ?

Bürokratt ne se limite pas aux agences gouvernementales.
De nombreuses entreprises ont manifesté un intérêt croissant pour son adoption, et certaines l’ont déjà intégré à leurs opérations.

Son adoption dans le secteur privé n’est pas surprenante, car Bürokratt est un logiciel open source.
Les entreprises peuvent donc l’exploiter pour optimiser leurs tâches administratives, réduire leurs coûts et améliorer leur efficacité.

Bürokratt est-il une technologie sécurisée ?

Nous attachons une importance primordiale à la sécurité et à la confidentialité.
Nous appliquons des protocoles stricts de cybersécurité et surveillons en permanence d’éventuelles failles.
Notre engagement en matière de sécurité est la clé de la confiance que nous accordent nos utilisateurs, et nous continuerons à en faire une priorité dans nos développements futurs.

Note: This interview was originally conducted in English.

Arthur Fertier
Stagiaire au CAdFE

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